Revenu presque bredouille de Cannes (seulement un prix de la jeunesse), voici donc qu’arrive sur nos écran le nouveau Almodovar, aussi déroutant que surprenant : La Piel Que Habito.
Allons droit au but, sur MyScreens, nous n’avons pas vraiment pour habitude de parler du cinéma de l’espagnol abonné à Cannes. Mais le côté thriller étrange et un chouilla malsain que semblaient dégager les premières images de La Piel que Habito ont tout de suite déclenché mon intérêt. Nous voici donc partis dans les méandres de l’esprit tordu d’un chirurgien esthétique qui séquestre un mystérieuse femme. On ne sait ni pourquoi, ni comment elle est là. Tout ce dont on est sûr, c’est qu’elle n’a jamais souhaité être la prisonnière d’Antonio Banderas.
Dès le premier abord, on sent bien que ce ne sera pas un Almodovar comme les autres. Bien sûr il y a un peu de ce grain de folie qui le caractérise depuis bien longtemps et des personnages à fleur de peau. Et surtout il y a une femme, Elena Anaya, qui retient toute l’attention, aussi magnifique que magnétique. Il se dégage donc comme souvent chez le réalisateur une certaine tension sexuelle. Mais contrairement à d’habitude ou à l’image qu’on peut avoir du cinéaste, La Piel que Habito n’est pas hystérique ou chaleureux.
En effet, Almodovar garde tous ses ingrédients caractéristiques tout en changeant de ton pour nous offrir un film froid et méticuleux, presque aseptisé. Ici, pas de fioritures, les décors sont aussi vides que la caméra reste calme, tout cela pour installer le malaise. Mais celui-ci s’intallera dans un premier temps à travers des interrogations. Car La Piel que Habito est dans ses premiers instants construit à travers quelques flashbacks parfois confus où nous sommes mis face à des situations que nous avons du mal à situer. On ne voit pas vraiment où l’ami Pedro veut nous emmener, au risque de complètement nous perdre et c’est aussi dérangeant que déroutant.
Il faut donc prendre un petit peu de temps pour entrer dans l’univers. Mais une fois l’intrigue finalement lancée, une fois que l’on commence à sentir venir les réponses aux questions que l’on se pose sur l’identité de certains personnages après un bon twist central, tout prend son sens. Almodovar a tissé son intrigue de sorte que l’on s’y perd ensuite avec un délice parfois pervers. Non pas qu’elle soit compliquée mais la construction qui nous permet d’assister ensuite à l‘évolution de personnages complexes aux actes fascinants est passionnante à suivre. Antonio Banderas est d’ailleurs sacrément impressionnant dans le rôle de ce chirurgien dérangé qui a vécu des événements particulièrement traumatisants. En connaissant son passé, à défaut de l’excuser, nous comprenons donc ses actes.
Mais attention, ce n’est pas parce qu’il s’agit d’un thriller à ambiance claustro (otage enfermé) et médicale (le chirurgien fou qui opère ses victimes) qu’il s’agit pour autant d’un film gore. Très loin de là même car Almodovar ne verse presque pas une goûte de sang. Préférant se concentrer sur la psychologie complexe de ses personnages pour que l’on s’attache à la fois à la victime mais aussi à on geôlier. Alors la transformation à la fois physique et psychologique est passionnante à suivre. Almodovar met encore le doigt sur la problématique de l’identité sexuelle et de la place de la figure féminine dans la vie d’un homme et de la manière que l’on attendait pas vraiment.
Comme on le sentait, La Piel que Habito est un Almodovar un peu à part dans la filmographie du réalisateur de part sa froideur clinique et son aspect thriller plus poussé qu’à l’accoutumée. Alors que l’on croit le connaitre, brassant toujours les mêmes thèmes, il peut encore surprendre et nous proposer un film fascinant où les apparences sont plus que jamais trompeuses.